Il était une fois…la Suède. Un
pays tout droit tiré d’un conte de fées. Stockholm est son château : un
archipel de rues rouges, oranges, jaunes, vertes…jusqu’au bleu de la Baltique.
Il y a à peu près un an et demi,
dans la 3° classe du train de nuit Saint-Pétersbourg/Moscou, un russe rencontré
là par hasard m’offrit une bière, à une condition : que je lui livre mes
impressions sur la Russie. Un peu pris au dépourvu, je lui raconte quelques
unes de mes aventures lorsque avec cette absence de tact et de politesse
typiquement russe, il me coupa tout
net : « tu m’endors avec tes histoires à deux balles. Tu vois, tu
dois pouvoir résumer l’essentiel de ce que tu penses d’un pays en décrivant ce
que tu vois lors de ton trajet quotidien entre chez toi et le métro. »
Vérifions si la méthode marche
aussi en Suède. (J’attends vos bières). Qu’y a –t-il donc d’intéressant sur cette
Roselundsgatan qui m’emmène jusqu au métro ? Les rues sont propres, les
bus nickels, pas de klaxons intempestifs. Pleins de grosses bagnoles : au moins la moitié sont des
familiales, genre break saab ou volvo (nostalgie…). Une certaine diversité
culturelle : çà parle turc, arabe, yougoslave, espagnol et le reste je ne
reconnais pas. Que les passants soient ouvriers du bâtiment, serveurs ou
cadres, on a le sentiment qu’ils font parti de la même grande classe moyenne.
Ils prennent leur café dans les mêmes bars, ont à peu près les mêmes habits. Direction
le métro : pas de décoration superflue, tout est en ordre, propre, pas
spécialement beau, mais propre et çà marche. On peut même acheter son ticket
par sms, puis on montre son téléphone au poinçonneur ! Je vous rassure,
ils ne poinçonnent pas le téléphone. En tout cas pas les Ericsson. Une femme
d’une cinquantaine d’années arbore un grand sourire en attendant le métro.
Heureuse de poiroter ou sous prozac, mystère … Tous les jeunes sont à la
mode. Mais c’est à peu de chose près la même mode pour tout le monde, çà varie
de l’H&M basique au H&M chic. Surtout (presque) personne n’est à contre
courant. Pleins de belles filles aussi (surtout)… Affolantes ces blondes toutes
bronzées revenant de vacances en minijupes…Bon, j’ai dit pas de clichés. Car il
y a des brunes aussi !! Bref à part pour les filles, l’impression qui
domine c’est le calme… No stress… Pas de cris. Les rues sont silencieuses.
L’air est pur, les gens ont l’air sportifs, les poinçonneurs du métro me
sourient sans non plus en faire des tonnes à l’américaine. J’ai même vu une
cabine téléphonique sur laquelle quelqu’un avait tagué un « passe une
bonne journée ! » Cà devait être un adolescent en crise, hors système
et à la recherche d’une cause révolutionnaire.
Mais tout de même, de temps en
temps, qu’est ce qu’ils me cassent les couilles ces
suédois !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
Heureusement, les yougoslaves et
les irakiens mettent un peu d’ambiance. Parce que le paradis, c’est tranquille,
mais qu’est ce qu’est ce qu’on se fait chier ! C’est vrai, le calme est
appréciable : cool, no stress… Stockholm est la Jamaïque sans l’herbe.
Cette absence de stress est même contagieuse, je finis par devenir moi même
cool, calme, léger, ouvert, tranquille quoi.
Sauf que je m’emmerde un peu. Les
jeunes ont beau être branchés, les filles belles, pas moyen de les approcher
sans leur faire peur ! Ca doit être mon côté russe. Soit elles sont trop
jeunes, soit je tombe sur un mur de silence. Tiens, ce groupe qui jouait à la
Pétanque sur la Mariatorget, à 2 min de chez moi.
« Vous êtes français »
m’empressais je de demander ?
« Non.
« Ah. Moi oui, c’est pour çà
que de la pétanque en suède çà m’interpelle.
« Vous devez bien jouer
alors.
« Oh, pas tant que çà.
« Tant pis – (au revoir en vo)
Voila. C’était un de mes échanges
les plus approfondis du moment…
Il faut croire que les gens sont
tellement heureux (Médaille d’argent au palmarès du bonheur après les cousins
danois) qu’ils n’ont pas besoin d’aller voir dehors ce qui s’y passe.
Bon, le tableau est un peu froid.
Lorsqu’on connaît déjà des gens, ils peuvent être adorables, marrants, on joue
au billard, sort en boîte, ça va on s’amuse. Mais pour s’intégrer à un groupe
déjà construit, c’est la Baltique à boire.
Si, une fois, j’ai eu une
conversation sympa à un café avec des suédois qui se sont en fait révélés être…
serbes ! Comme quoi. Fort de mon expérience de milieu droit de la sélection
nationale de Serbie lors des championnats de ma fac moscovite, je m’empresse de
leur sortir un « Aïde, dobre, kak o ce ?! » Ca leur a drôlement
plu, ils étaient tout excités ! Enfin quelques cris. J’ai profité de
l’euphorie pour demander à la jeune fille plutôt mignonne et serveuse dans le
bar si elle voulait prendre un verre après le boulot. Et à ce moment, la gamine
qui était à côté se tourne vers elle en lui demandant : « maman,
quand est ce que papa arrive ? » Moi, je ne veux pas de soucis avec
la mafia yougoslave, je me casse !
J’ai aussi rencontré un
marseillais et deux suédois qui avaient grandi dans le midi. De la France
j’entends bien, je ne parle pas de ce que les suédois osent appeler le
« sud » de la Suède, genre Malmö et compagnie. Ces marseillais n’arrivaient
justement pas à comprendre comment même en Suède il pouvait il y a avoir un « Nord ».
Je m’explique : si un habitant de Stockholm dit « vous savez, si vous
allez au nord… », on en casse sa boussole peuchère ! Car Stockholm, à
la base, c’est déjà censé être le Nord absolu. Il y aurait donc un nord du
nord ?! « Mais Marius, c’est de la folie! »
Un dernier mot pour dire que les
choses changent. Une fois installé dans mon appart, je suis allé faire un tour
de mon quartier, l’île de Södermalm, quartier latin à la suédoise attirant tous
les jeunes à la mode et un peu alternatifs, genre designers, photographes et
stylistes look metrosexuel à la Soho. Alors que je dégustais tranquillement mon
premier kebab « made in sverige », une dizaine de
« suédo-irakiens » ont débarqué dans le resto avec des drapeaux
irakiens en criant « Irak, Irak !! » Dans la rue se tenaient une
centaine de leurs potes avec les mêmes drapeaux et hurlant de joie ! Je me
suis dit que la Suède avait drôlement changée depuis mon dernier passage. Il
s’agissait en fait de la communauté irakienne de toute la Suède (la Suède est un
des pays ayant accueilli le plus de réfugiés irakiens qui fêtaient la victoire
de l’équipe d’Irak à la coupe d’Asie de football. Dans le ciel flottaient
ensemble des drapeaux irakiens et suédois.
Ce week end, je pars dans le Småland,
600 km
de Stockholm, pour 3 jours de fêtes dans la maison de campagne d’un pote de mon
cousin suédois. On peut s’attendre à un contest « suédo/russe » sur l'Aquavit...